Etes-vous prêt ? Cette fois, je vous emmène dans un monde à part. L'expérience ne vous laissera pas de marbre...
Ici, c'est de granit, de torrents, de forêt sombres et épaisses qu'il s'agit. Ici, c'est le Pays de rocs et d'eau qu’il s’agit. Ici, c’est le Sidobre.
Faisons aussi appel à nos âmes d’enfants ! Laissons libre cours à notre imaginaire !
Le Sidobre est « une sorte d’île » dans le département du Tarn. C’est une exception géologique unique en Europe. Ce territoire long de 15,3 et large de 6,6 kilomètres est un endroit sublime, où je me suis posé récemment (voir ici et là), après l'avoir longtemps parcouru à moto depuis Toulouse. Et pourtant... Quand j'en discute autour de moi, dans la métropole occitane, seul une dizaine de personnes connaissent... Peut-être, n'est ce pas plus mal !
C'est là:
Cette balade à moto dure la journée, mais elle pourrait, tout aussi bien, durer une semaine tant il y a de choses à voir et à respirer. Il y a peu, je consacrais quelques heures à l'exploration d'un quart de cercle Nord-Est, de 24 km de rayon, autour de ma nouvelle maison (voir ici). Aujourd'hui, c’est à nouveau quelques heures d'exploration d'un autre quart de cercle, Sud-Est cette fois, de 22 km de rayon pour 147 kilomètres de distance.
La veille de cette balade, je profite du lever de soleil sur Castres et le massif. Le Sidobre c'est tout droit. Les monts de Lacaune sont un peu à droite, et encore plus à droite c'est la Montagne Noire.
Quand on arrive, par la route, dans ce coin, de drôles de petits bonhommes de granit nous accueillent. Ils ne sont pas de marbre avec leurs bouilles bien sympathiques, très souriantes. On dirait des judokas ceinture blanche, pour ceux que j'ai vus… Est-ce une réminiscence de mon passé ? Rien n'est moins sûr, sur ce point... Un hommage à notre Teddy ? Non! Il n’est pas castrais me semble-t-il…
Après quelques recherches sur Internet, je trouve enfin l’info : Ce personnage en pierre apparaît, depuis 2012, dans certains villages des Hautes Terres d’Oc. Son « p’tit nom » est Piéro. Et comme je le supposais, il n’est pas judoka…
Il évoque une statue de la famille des mégalithes. Ce sont des pierres façonnées et dressées par l'homme pendant le Néolithique ( 3500 ans av JC). Le terme de mégalithe regroupe les dolmens, les menhirs, mais aussi les statues menhirs qui sont une particularité de la région. Il y en a, en nombre, dans les Monts de Lacaune et le Sidobre.
Est-ce une représentation des dieux ? De la déesse mère ? Un emplacement de sépultures de héros ? Ou simplement des jalons des voies de transhumance depuis la Méditerranée jusqu'au Rouergue ? A ce jour, et malgré la 5G qui arrive, le mystère reste entier sur leurs origines…
Pièro, le petit mégalithe, est en fait la mascotte et le symbole de la nouvelle entité des « Hautes Terres d’Oc ». Un territoire qui regroupe 2 communautés de commune: celle du Sidobre Vals et Plateaux, et celles des Monts de Lacaune.
Piéro, sur le terrain, est le fil conducteur de ce magnifique territoire. Il est là pour indiquer le départ d'un sentier de randonnée, un office de tourisme ou un autre lieu touristique. Dix-huit « Piéro » sont répartis sur toute la zone.
L'ami Piéro... |
Je mets en route et démarre cette balade à moto. Pour moi, tout commence par sortir la moto du garage, quitter le merveilleux cul de sac du cimetière de Bouyrols. A ce propos, cette impasse n’est-elle pas synonyme d’un « stand » matérialisant ce changement de statut ? Passer de vie à trépas ? Ou l'inverse peut-être… En ces terres si mystérieuses truffées de légendes... Belle question existentielle, spirituelle et philosophique que je devrais creuser… Un de ces jours.
Pour l'heure, je descends la pente escarpée et, au carrefour, pars à gauche vers l’Est, en direction du village de Vabre. Arrivé à la confluence de l'Agoût et du Gijou, je prends la toute petite route, à droite. Cette bifurcation me conduit sur le viaduc enjambant les deux rivières, une centaine de mètres plus bas. Et une fois que le bitume s'arrête ?
Je continue, bien sûr, et remonte l'Agoût par l'ancienne voie du chemin de fer, allant de Vabre à Castres.
Le viaduc de la confluence, la piste en terre qui commence et le début du barrage de Luzières |
Le bitume revient, mais en face... La piste continue pour une autre fois |
Peu après le début de la piste en terre, au milieu du chemin, j'aperçois de petits animaux. De quoi s'agi-il ? de chiens ? Non !! Incroyable ! Je suis à peine à 50 mètres et ils ne fuient pas. Ce sont trois marcassins. Je pourrais presque m'arrêter les photographier... Mais j'ai un éclair de lucidité et me dit que la mère, bien plus grosse, ne doit pas être bien loin. Ils finissent par s'échapper sur la droite dans les fourrés. De mon côté, sans demander mon reste, j'ouvre un peu plus les gazs.
Le bitume réapparaît au niveau du barrage de Luzières, zone réserve de la truite de l'Agoût. Pêche interdite donc ! Juste avant, la zone est poissonneuse, mais les belles Fario se méritent au prix de quelques efforts. Mes bras écorchés s’en souviennent encore. Je parcours une route étroite qui monte, allègrement de lacet en lacet, dans un paysage boisé, sombre et épais.
Je ressens l'ambiance, si particulière et agréable, du Sidobre. Cette départementale amène à Crémaussel et au sentier des merveilles. C’est, sans aucun doute, le sentier le plus célèbre du Sidobre. Comptez de 30 minutes à 1h30 (voir plus) de balade selon les « options » choisies pour se perdre dans ce dédale labyrinthique de notre imaginaire. C’est bien là que notre âme d’enfant est convoquée.
Le sentier des Merveilles |
Le sentier est, évidemment, réservé aux piétons. Tout de suite, je me trouve dans une ambiance minérale et forestière. Qu’ils affleurent la terre, qu’ils soient intégralement sortie de terre, qu’ils semblent posés là par des géants pour satisfaire un jeu, qu’ils ressemblent à des animaux terrestres, les rochers sont omniprésents. Tout en rondeurs et massifs, dessinés par les vents et façonnés par l’eau, vierge de poil comme un imberbe patenté, ou submergés de mousse douce au toucher ou de lichens accrochant la main qui les caressent. Ils sont là superbes et merveilleux. J’arrive au roc de l’oie.
Roc de l'Oie |
« Dal temps qué los bestios parlavon » Au temps où les
bêtes parlaient ; ainsi commençait la vieille Marie de la
Fusarié, connue dans le pays sous le nom de la Toupine.
Au temps où les animaux monstrueux obéissaient à des
génies aussi puissants qu'autoritaires, une oie avait reçu de
son maître, un enchanteur, l'autorisation de sortir la nuit
pour couver son œuf unique, sur le bord de la falaise, au-
dessus de la combe ou passa beaucoup plus tard le chemin
de la Fusarié à Crémaussel. Mais les pires châtiments lui
étaient promis si elle n'avait pas regagné la balme ou
s'abritait son maître, avant que ne pointât le soleil.
Elle s'oublia, un matin. L'astre était déjà haut lorsqu'elle
s’éveilla. Elle volait lourdement de rocher en rocher. Son
maître, courroucé apparut et pour la punir la pétrifia ainsi
que son œuf qui tremble sur son socle et jamais n'éclora.
bêtes parlaient ; ainsi commençait la vieille Marie de la
Fusarié, connue dans le pays sous le nom de la Toupine.
Au temps où les animaux monstrueux obéissaient à des
génies aussi puissants qu'autoritaires, une oie avait reçu de
son maître, un enchanteur, l'autorisation de sortir la nuit
pour couver son œuf unique, sur le bord de la falaise, au-
dessus de la combe ou passa beaucoup plus tard le chemin
de la Fusarié à Crémaussel. Mais les pires châtiments lui
étaient promis si elle n'avait pas regagné la balme ou
s'abritait son maître, avant que ne pointât le soleil.
Elle s'oublia, un matin. L'astre était déjà haut lorsqu'elle
s’éveilla. Elle volait lourdement de rocher en rocher. Son
maître, courroucé apparut et pour la punir la pétrifia ainsi
que son œuf qui tremble sur son socle et jamais n'éclora.
De là, il faut continuer tout droit et descendre une forte pente qui amène un peu à l'écart du sentier des Merveilles. La découverte des trois fromages est à ce prix.
Les trois fromages |
Puis il faut remonter (le prix à payer évoqué précédemment) au roc de l'Oie et continuer le sentier des merveilles pour découvrir le fauteuil du diable, l’éléphant, le mur de la mort, le billard, le squale, et bien d’autres… Il est aussi possible de se perdre dans ce labyrinthe de granit, et d'y passer bien plus de temps, en cherchant des passages secrets.
Les rochers décalés |
Juste à côté, en repartant de Cremaussel, ne pas oublier d'aller à la Peyro-Clabado, un autre ensemble de rochers tout aussi énigmatique... Qui a fait cela ? Comment tiennent-ils ?
Ce site est sans doute un incontournable du Sidobre. Son nom vient de l’occitan Pèira Clavada, littéralement la pierre clouée. Imaginez un rocher de près de 800 tonnes tenant en équilibre sur un socle naturel de seulement 1,50 mètres carrés! La Peyro Clabado défie les lois de la gravité, et s’accompagne de sa propre légende comme la plupart des pierres du Sidobre.
Comme dans beaucoup de lieux présentant des amalgames de rochers empilés, en regardant son sommet, j'y aperçois de nombreuses petites pierres, mais aussi des bâtons. A priori, ces dernières ne sont pas arrivées là par hasard ... Les informations recueillies m'apprennent qu'il s'agit d'un rite qui veut que toute pierre jetée là-haut et qui y reste, garantit des épousailles rapides ! Pour les bâtons, je crois bien qu'aucun rite ne correspond. Si ce n'est celui de se dire qu'un individu, par jeu, lance un bâton là-haut en souhaitant juste qu'il y reste.
La Peyro-Clabado |
La Peyro-Clabado |
La petite route ramenant à Lacrouzette serpente dans la forêt au milieu de multiples rochers faisant perdurer ce sentiment de magie ambiante. Une aire de pique-nique relativement grande et très ombragée permet de prendre du repos quelques minutes ou quelques heures selon ses choix…
Ensuite, j'emprunte la D30 pour arriver au magnifique lac du Merle. Ma première rencontre, il y a une vingtaine d'années, avec le Sidobre s'est faite avec cet étang. L'ambiance, ici, me semble toujours magique. C'est feutré. C'est doux. Les oiseaux gazouillent. A chaque fois, je m'attends à voir sortir de l'eau calme, une déesse en robe blanche, un peu comme on peut le ressentir dans certains lieux bretons comme Brocéliande, par exemple. Mélancolie ! C'est le mot qui me vient.
En continuant cette route départementale, j'arrive au lac de Vialavert et à la maison du Sidobre. Peut-être faudrait-il que vous commenciez par là d'ailleurs.
Cet espace muséographique, très bien aménagé, permet une découverte du travail du granit d'hier à aujourd'hui. Les transats et autres bains de soleil de cet univers minéral vous y tendent les bras. En effet, le granit du Sidobre ne sert pas qu'à faire des pierres tombales...
On y trouve un petit sentier de découverte d'une durée de 20 minutes. Le sentier des immortels. Il donne quelques informations sur les formations naturelles et insolites à l'origine de ces paysages somptueux.
Avant de montrer les reproductions des menhirs observables dans toute la région. Ces pierres dressées sont à l'origine de l'ami Piéro cité au début de ce post. Le sentier revient vers la maison du Sidobre et le parking par la zone humide et le petit lac de Vialavert.
En repartant, je passe au rocher tremblant des Sept-Faux. Il se trouve dans le hameau, chez un particulier, à proximité du café. C'est sans doute cette personne qui a aménagé le site. On peut en faire le tour même si le café est fermé, ce qui est le cas aujourd'hui. Le bloc intermédiaire bouge, mais pour cela, il faut faire appel au proprio. L'histoire ne dit pas s'il faut lui glisser la pièce...
Puis je bifurque vers Burlats et pousse jusqu'au Saut de la Truite. Là encore, il faut marcher un peu. La montée est assez raide. En apercevant la cascade du saut de la truite, difficile d’imaginer des poissons tenter de franchir les 25 mètres de chute d’eau ! D'autant plus, qu’aujourd’hui il y en a assez peu, de l'eau. Nous sommes dans le Sidobre, donc le nom du lieu vient d’un imposant rocher saillant représentant… Une truite. Mon imagination malgré, ou peut-être grâce à, la suée due à la montée, arrive à la voir.
De retour à Burlats, je m’arrête. Le village m'apparaît superbe. J'y fais quelques pas. L'ambiance est nettement médiévale. On y trouve une vielle porte, du nom de tour de la Bistoure, le pavillon d'Adélaïde, fille de Raymond V comte de Toulouse. Il y a aussi un prieuré et quelques artisans d'art du Tarn. La chose la plus remarquable, de mon point de vue, est l'ancienne collégiale en ruine dont la mairie a su tirer profit.
Ancienne collégiale |
Je vais enfourcher ma bécane quand un gars vient vers moi. Son T-shirt me laisse penser qu'il est artisan peintre. Il engage la conversation sur ma moto et la sienne. Nous discutons un bon moment. De fil en aiguille, à force de parler chiffons, il en arrive à me parler d'un mécano sur Castres, avec qui il est ami. D'après lui, c'est un cador en réparation BMW ou autres d'ailleurs. Sans plus attendre, je sors mon carnet d'adresse et note les coordonnées.
Maintenant, je pars vers Castres et entre dans la ville. L'idée est d'aller admirer les rives de l'Agoût et les maisons colorées qui le borde. En effet, la représentation de castres est très souvent matérialisée par cette image ou ce dessin. C'est d'ailleurs ce dessin qu'on retrouve sur les panneaux routiers de l'évocation touristique de la ville de Castres.
Sur une petite place à proximité, je trouve un bistrot offrant une belle terrasse ombragée. Cela me permet de prolonger la contemplation de l'Agoût et des maisons sur les rives.
Ensuite, je trace Nord-Est à travers les plus petites routes possibles. Cela me ramène vers la route de ce matin et au plus près de la forêt de Montagnol. Les panneaux indicateurs me confirment qu'il y a de nombreux sentiers, et donc de belles balades à faire.
Au moment de repartir, une biche sort d'un fourré et vient me saluer. Je rentre par une route longeant le Gijou, la rivière que j'ai sans doute le plus explorée cette année. Je suis au terme de ces 147 kilomètres et de ces huit heures de balade merveilleuse. Je crois que je ne peux plus cacher l'amour que je porte à cet endroit...
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