Depuis quelques jours, les bourgeons s'éveillent. Le débourrement printanier précède l'éclosion finale. Les fleurs jaunes du colza apparaissent dans les champs. De petites touches vertes commencent à garnir les feuillus. Les prés verdissent allègrement. Bref! La récente arrivée du printemps et ses conséquences se font doucement sentir dans mon environnement toulousain. En effet, nous sommes juste fin Mars et bientôt début Avril.
Mon interdiction de séjour, en altitude, est à son terme… Alors ? Sans aller très loin, ni très haut, j’ai bien envie d’aller faire un tour… Prendre un peu de hauteur, sur la journée. Ce sera au Sud de Toulouse dans le cadre d'une boucle merveilleuse, poétique et éthérée. En effet, les signaux, nombreux, de l'incertitude ambiante me disent :
- Profite, maintenant.
Donc, je prends "le périphérique" (quel horrible nom, instauré par le passage éclair et fugace de Douste-Blazy me semble t'il...) afin de passer la Garonne, puis sortir à Empalot, et rejoindre la route de Lacroix-Falgarde. Elle m’amène dans les côteaux toulousains après la bifurcation sur la D4C vers Pechbusque. Ici, les côteaux ne verdissent encore que très légèrement. Les virages s’enchaînant permettent un agréable échauffement de pilotage. J'arrive à Pompertuzat, au bord du canal du midi.
J'ai envie d'un café dans un endroit tranquille. Je trouve ce que je cherche sur la D95 entre Montlaur et Donneville.
Décidément, le contexte bizarre que nous vivons depuis plusieurs mois se conjugue avec l’arrivée de ce printemps. D'un coup, ce que j'ai devant les yeux m'apporte le souvenir de ces vers de Victor Hugo :
" Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire !
Voici le printemps ! mars, avril au doux sourire,
Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis !
Les peupliers, au bord des fleuves endormis,
Se courbent mollement comme de grandes palmes ;
L’oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ;
Il semble que tout rit, et que les arbres verts
Sont joyeux d’être ensemble et se disent des vers.
Le jour naît couronné d’une aube fraîche et tendre ;
Le soir est plein d’amour ; la nuit, on croit entendre,
A travers l’ombre immense et sous le ciel béni,
Quelque chose d’heureux chanter dans l’infini. "
Voici le printemps ! mars, avril au doux sourire,
Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis !
Les peupliers, au bord des fleuves endormis,
Se courbent mollement comme de grandes palmes ;
L’oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ;
Il semble que tout rit, et que les arbres verts
Sont joyeux d’être ensemble et se disent des vers.
Le jour naît couronné d’une aube fraîche et tendre ;
Le soir est plein d’amour ; la nuit, on croit entendre,
A travers l’ombre immense et sous le ciel béni,
Quelque chose d’heureux chanter dans l’infini. "
Le café soluble a des effets étonnants aujourd’hui…
Je repars vers d’autres horizons campagnards. Je passe au-dessus de l’autoroute des deux mers, quitte le canal du midi, traverse l’ex-nationale 113 dans le but de rejoindre Ayguevives. Je passe, pour la première fois, à proximité de la place de l’église et de la mairie. L’église Saint-Saturnin m’offre une vue extérieure magnifique sur sa partie arrière, celle où se situe le chœur, je crois. L'arrêt s'impose.
Habituellement, avec une église, on arrive directement sur le clocher-mur percé de campanaires, comme souvent dans le Lauragais et la région Toulousaine globalement. Là, j'arrive face à l'abside à cinq pans, les pilastres et les contreforts qui donnent sur des escaliers et le petit parc où je me situe. La vue est étonnante et belle. L'effet des briquettes roses sans doute. Son autre "petit nom" est l'église gothique du pastel. Sa construction démarre en 1500 et s'achève en 1520.
Je quitte Ayguevives par la D16. La campagne lauragaise m'offre un cadre bucolique et, parfois, de belles demeures perdues dans les collines. Comme celle du château de Seyre que je devine au loin.
On le distingue à peine sur la ligne d'horizon. Voyons si je zoome un peu.
Quel bonheur de rouler avec ce soupçon de couleur. Les vers de Victor dans les jeunes verts nuancés résonnent encore, je prendrais bien un verre... Quelque part, si je pouvais. Nous sommes en Mars, presque en Avril. Le doux sourire, évoqué précédemment, point indéniablement. Les fleuves et rivières paraissent effectivement encore endormis, le réveil approche. Les bois sont tièdes et calmes et, effectivement, les oiseaux palpitent... Tout cela, en dehors de me faire visiblement sombrer dans une folie certaine, m'accroche ce sourire et cette joie simple, parfaite pour poursuivre cette douce journée.
L’horizon change. Les collines deviennent plus hautes. Les routes, toujours étroites, sont de plus en plus sinueuses. La forêt s'agrandit. Quelques conifères apparaissent. Je m’approche doucement de l’Ariège et des contreforts des Pyrénées. Le Lauragais laisse progressivement sa place au Couserans et à ses doux plissements rocheux. Au loin, la chaîne montagneuse, majestueuse, se dessine enneigée.
Peu après le hameau du Cousinat, je me trouve sur une route sans bitume, pas tout à fait un chemin, mais plutôt une piste. Ce nouveau terrain de jeu m'offre une belle opportunité de jouer en mode "Enduro". Le pilotage, debout, est de circonstance dans ce genre de situation. Il offre une vision différente de l'environnement. Ce moment, particulier, m'apporte une humeur rieuse. Je sais que le bonheur est là. J'apprécie pleinement.
La piste gravilloneuse finit au-dessus du village de Montegut-Plantaurel. Je m'arrête. La vue coupe le souffle.
Face à moi, le ruban de bitume sillonne le paysage dans une confusion la plus totale. Tout s'entremêle, la route, les collines, les arbres et les quelques maisons. La lumière est belle. Je reste plusieurs minutes, ébahi, devant ce spectacle.
L’heure du repas approche. Le lac de Mondély est tout proche. J'adore le paysage près de ce lac. Je l'ai découvert 28 ans auparavant , à mon arrivée en région Toulousaine. Je suis juste à quelques kilomètres. Je trouve la D117, qui me permet une allure plus poussée et ainsi, je peux rapidement atteindre le village de La-Bastide-de-Serou. Je bifurque sur la D211 et monte au hameau de Suzan.
Je passe le hameau d’Aron. J’y croise quelques Merens en pâture dans un pré. Je ne peux m'empêcher de m'arrêter pour faire quelques photos. J'ai, pourtant, déjà mitraillé ces endroits. A chaque fois, je suis "pris" par les panoramas.
A midi trente, j’aperçois le plan d'eau en contrebas. Je rejoins les rives du lac et en fait le tour par la route qui le longe. Je cherche un endroit isolé et abrité du soleil. Il tape fort aujourd’hui. La route commence à reprendre de la hauteur et s'éloigne du lac. Sur ma droite, j'emprunte un chemin qui m'amène au lieu-dit "A Men Jouane". Je déjeune au bord de l'eau.
Je repars, non sans jeter un dernier coup d'oeil, toujours émerveillé par le panorama, sur ce lac. La D501 rejoint la D1A. Elle m'amène au Mas-D’azil. Il y a assez peu de monde pour une fois. Je peux m'arrêter, avant l'entrée dans la grotte, pour faire une photo. Je ne pousse pas le vice jusqu'à m'arrêter dans la grotte, pour en faire une autre, depuis les entrailles de la montagne.
A la sortie du trou, je suis sur la D119. Je prends la direction de Saint-Girons. Je tombe sur quelque chose d’étonnant: un édifice religieux et des constructions sur les hauteurs. Ce n’est pas la première fois que je passe là. J’ai toujours été intrigué. Aujourd'hui, je m'arrête. C’est l’église et le chemin de croix de Raynaude. L’abbé Rousse a fait construire le tout, deux siècles plus tôt. Il y a ici l’église principale et quatorze chapelles le long d’un chemin de croix, arrivant à un calvaire. Il fût érigé pour marquer l’emplacement de l’ancienne église du village détruite entièrement en 1860.
Un peu plus d’histoire ? Voyez ce site: lieux-insolites.fr.
Je continue jusqu’à Clermont. Là, je quitte la route de Saint-Girons pour prendre la D215A. A la sortie du village, j’aperçois un panneau, un peu caché, indiquant qu'elle est barrée à quatre kilomètres. J'y vais quand même... Après les quatre kilomètres annoncés, je vois le problème. La route s’est affaissée de 20 à 30 cm, par endroit, côté pente. Le côté talus semble sûr. Avant d'y aller avec la moto, je me gare au beau milieu et part, à pied, faire une reconnaissance. Je poursuis et arrive sans encombre au hameau de Lamothe. Cette fois, de ce côté, il y a un barrage fait de plusieurs panneaux routiers. Impossible de passer. Je déplace un des panneaux, passe la moto et le remet en place. Puis je continue vers Montesquieu-Avantès cette fois.
Je suis en terrain inconnu. C’est une route forestière très agréable. Elle sillonne les collines environnantes et offre de superbes panoramas sur les sommets alentours. C'est paisible, calme et ressourçant.
Je commence doucement la remontée vers la Haute-Garonne et Toulouse. Les paysages m’enchantent. Toutes les routes prises depuis Clermont sont nouvelles pour moi. Je trouve incroyable ces découvertes dans ces endroits maintes fois empruntés. Ce qui est encore plus amusant ? Cet émerveillement toujours de mise… Une dernière photo peu avant Barjac ? Une citerne et les arbres environnants me font un clin d’œil.
Je reviens dans mon département juste avant Escoulis et Belbèze-en-Comminges. Je passe au-dessus de la Pyrénéenne à Martes-Tolosane et rejoins la D3 amenant à Rieumes. Une dernière photo vers Ausseing et je rentre tranquillement.
La fin de cette balade, les sommets enneigés au loin, les prés bien verts parsemés de touches blanches des débuts de floraison des arbres et un pressentiment pour les jours qui viennent me font penser à un autre voyage, à d’autres gens, et un autre poème, car qui sait ce que demain nous réserve... Pas sûr qu'on puisse bouger d'ici quelques jours.
Quand la brise du paradis
Donne son frémir au jardin,
À moi les plaisirs et le vin,
Et l'amour dans toutes ses grâces !
Le pauvre est roi du point du jour :
Pourquoi ne le dirait-il pas ?
La frange des champs est sa cour,
Son baldaquin, nuée qui passe.
Dans la prairie naît le printemps.
Les prés fredonnent leur chanson.
Cueille la rose de l'instant,
Ne perds pas la proie pour sa trace.
Le vin te réchauffe le cœur ;
En paix, bois-le.
N'entends-tu pas ce monde en ruine,
À son moulin, broyer les vieux os qu'on entasse ?
Ton ennemi n'est pas loyal.
Il restera sans flamme,
Éteint le flambeau des nuits
Allumé par des mains privés de la grâce.
Ne me dis pas : "Ta page est noire !".
Je suis l'ivresse, et le destin :
Qui sait ce qu'il écrit pour nous ?
Qui sait aussi ce qu'il efface ?
Aux funérailles de Hâfiz, n'hésite pas !
Viens ! Sois présent !
Il va tout droit au Paradis,
C'est ton vieil amoureux qui passe...
Tiré du Divan de Hafez - Poème Perse écrit au XIVe siècle (voir le voyage perse et ici pour le tombeau de Hafez)
En aparté : n'étant pas certain que la traduction dont je dispose dans le livre acheté au pied du tombeau de Hafez soit tout à fait la bonne, je m'excuse par avance auprès des personnes érudites.
Je me demande si je ne suis pas en train de partir en vrille... Comme après un décrochage suite à une prise d'angle trop importante en virage sur l'aile...
L’après-midi se termine. Cette boucle printanière, vraiment merveilleuse, aura duré huit heures en totalité, pour 320 kilomètres parcourus, sans jamais être à plus de 65 kilomètres, à vol d'oiseau, de la vill-e Ros-e, Bout-du-con!
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