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Balade hommage au « Doc Mandello »

P’tain!! Le Doc est parti… Dans son sommeil. C’est pas vrai!! Le Doc Mandello!

La nouvelle, connue le 13 décembre 2021 dans le milieu des guzzistes, est arrivée jusqu’à moi mi-janvier grâce à un commentaire reçu sur un article de mon « vieux » blog relatif à un projet de 2016. Encore une fois, merci Ghislain de m’avoir averti. 
 
C’est pas vrai… Alain Latil, le chef de gare, a quitté ce monde. Au-delà de sa famille, de ses proches, les guzzistes français sont orphelins quelque part.« Sa Famille », c’était aussi ceux-là, je crois bien. 
 
En tant qu'ancien guzziste, c'est par cette famille que mes liens se sont créés avec lui. Je n'étais pas un de ses amis proches. Juste une connaissance régulière... Un copain? Il m'a aidé. Je tenais à lui comme à quelqu'un qui compte sans en être tout proche. Comme beaucoup sans doute. 
La fameuse gare de Bruniquel ou l'atelier « Médiéval Racer's » du Doc Mandello
 
Depuis que j'ai appris cette nouvelle, j'ai envie d'écrire quelques mots. Je ne sais pas comment faire... Déjà deux mois… Ai-je le droit de faire ça ? 
 
Aujourd'hui, je me lance. C'est décidé. 
 
Ce sera une balade pour lui rendre hommage. Ce sera une balade vers sa gare. Ce sera une balade vers Bruniquel. Ce sera une balade dans les gorges de l'Aveyron. Ce sera une balade dans son monde. Enfin... Son monde… Une petite partie de son monde. Celui qu'il m'a fait côtoyé en tout cas.  
 
Prendre la route à moto avec des pensées tournées vers Alain m'hypnotise et me jette dans un état second. L’affluence des souvenirs et les émotions que cela suscite, font que les mots s’entrechoquent. Il me fallait cette route, cette décision, cette maison... Après cette sidération, mon cerveau arrive, enfin, à construire quelques phrases. 
  
Itinéraire suivi : 
 
 
A mi-mars, le printemps sera là dans quelques jours. Au démarrage du moteur, à onze heures, je connais ma route, je sais le chemin tracé, mais ce que je vais rencontrer, aujourd'hui, reste à venir.  
 
Mais au fait, c’était qui, Alain LATIL ?  
 
Pour reprendre les mots de Doumé, le DRH du forumguzzi.fr: « Alain c’était le Doc, éminent fondateur de Mandello Garage et de Shop Mandello, également administrateur de Twin Zone, mais aussi un forumGUZZIste de la première heure… »
 
J'ai connu Alain deux ans après l'acquisition de ma Motoguzzi Stelvio grâce au forum.  
 
Septembre 2014, dans la chaleur des après-midi andalous ma motocyclette pétaradait très fort. A faible vitesse, je calais régulièrement sur les chemins guidés par les « roadbooks »  Vibraction. Je me suis posé quelque part pour deux nuits en demandant assistance - non pas aux services officiels - mais au petit monde interconnecté, sachant pertinemment que la chance d'avoir une solution serait plus efficace. Le Doc faisait partie des membres du forum qui m'ont aidé à distance. 
 
Oh!! Précédemment, j’avais déjà vu ses réponses dans les messages du forum. Cela laissait peu de place aux mauvaises impressions. Un ton déterminé mais affable. Peu d’équivoque. Une impression d’avoir affaire à quelqu’un qui sait de quoi il parle.
 
Avec la résolution de mon problème andalou, il m'a aussi parlé de « son module »  modifiant la cartographie du moteur. La rencontre virtuelle s'est donc muée en rencontre réelle, dès le mois de novembre 2014, pour la pose de sa « boîte magique ». C'était mon premier déplacement vers sa gare, à proximité des forges de Caussanus pour « LA » rencontre. 
 
Comme aujourd'hui, j'étais parti avec pas mal d'avance afin de découvrir les routes et paysages alentours en évitant soigneusement tous les grands axes. 
 
Peu après Montastruc-la-Conseillère  
Ce jour-là, j'ai découvert son antre de « Medieval Racer's » : la gare de Bruniquel. En effet, sa maison était l'ancienne gare de ce célèbre village sur la voie de chemin de fer, à présent démontée,  reliant Saint-Antonin-Noble-Val à Montauban.  
 
Le rez-de-chaussée de la gare était l'atelier et le lieu de stockage avant envoi des pièces de guzzi, principalement mais pas que, dans toutes la France. Il y avait aussi le coin bureau avec l'ordinateur connecté au monde. Un peu avant, au milieu des cartons si les commandes étaient nombreuses, il y avait le coin avec la cafetière pour les gens de passage qui venaient récupérer leurs pièces ou (comme je le pratiquerai ensuite) qui passaient pour dire bonjour et prendre un café ou autre chose... Il y avait aussi la grande terrasse, dehors, pour travailler, discuter, boire un coup, etc... Quand il faisait beau. 
 
C'est lui, ce jour-là, qui m'a fait découvrir la célèbre comparaison entre un flat béhème et un bi-cylindre en V guzzi... 
 

A cette période, accompagné d'un ami (en disponibilité afin de goûter aux joies de la mécanique durant un temps si je me souviens bien), il travaillait sur les motos. Dès cette rencontre mon ressenti, à la lecture de ces billets sur le forum, s'est confirmé. J’ai compris que quand « Le Doc » parlait, il fallait écouter et regarder. 
 
Il a pris ma moto, l'a installée sur la table élévatrice, puis il m'a expliqué ce qu'il allait faire. 
 
Ce jour-là, j'ai aussi fait la connaissance de Java, un brin encombrant et poilu, mais tellement affectueux sur ses quatre pattes. 
 
Le travail a duré une heure trente, mais j'y ai passé l'après-midi. J'ai rencontré un homme passionné et passionnant. Un cador de la mécanique moto, plutôt spécialisé italiennes. De celles du Nord, situées près du lac de Côme à Mandello-del-Lario. Bref! Ce qu'on appelle « un bouclard » dans le monde de la moto. De cette rencontre est ressorti un premier sentiment de confiance. Oui! J'ai su que je pourrais lui faire confiance.
 
Un truc qui te fait dire : 
 
- Lui, il sait de quoi il parle. 
 
Et, ajouté à cela, une grille tarifaire tout à fait raisonnable qui te fait ajouter : 
 
- Et en plus, je ne vais pas y laisser un bras. 
 
Salvagnac
 
Larroque et ses falaises 
 
Le château de Bruniquel 
 
Je roule maintenant depuis une heure-trente. J'arrive au pied des falaises de Larroque. C'est l'heure du déjeuner. Et justement, voilà que je croise « Au relais des falaises » (voir Les coins du Babaz). Après ce repas excellent, rapide, simple et pas cher, je repars et passe en bas du château de Bruniquel puis j'arrive devant la gare d'Alain. 
 
Purée, ça fait bizarre! 
Je me sens comme en pèlerinage. 
Une impression étrange... 
Je prends un peu de recul, traverse la route, fais cette photo et reviens vers le porche et le portail.  
 
Aujourd'hui... 
 
D'un coup, les souvenirs affluent. Je laisse venir. Je sais exactement comment sont disposées les pièces du bas. Je vois comment Java venait m'accueillir au son du Stelvio devant le portail avant qu'Alain n'arrive quelques secondes après. 
 
Je ne sais pourquoi, chez Alain, j'ai toujours eu l'impression qu'une « mademoiselle Jeanne » allait sortir d'une des portes du rez-de-chaussée et qu'une mouette rieuse nous observait... Et ce n'est pas le côté gaffeur d'Alain que j'ai le plus reconnu et imaginé dans tout cela... Plutôt le côté inventif, bouillonnant d’idées. Son pull aussi peut-être… Sa silhouette et sa coupe également. A moins que ce ne soit le fait qu’il porte des chaussons dans son atelier et qu’un bon feu y brûle en hiver... M'enfin! 

Avant la rédaction de ce « billet hommage », je me suis plongé dans mes archives photographiques afin de trouver quelques images et revoir sa bouille si sympathique. En voici quelques flopées pour qu’elles prolongent son bon souvenir.  
 
 
Le garage au coin du feu et Java
 
Le Doc Mandello en pleine action
 
C'est que nous nous sommes revus plusieurs fois après cette première rencontre de fin 2014. 
 
Alain m'a beaucoup aidé, en 2016, dans la réalisation de ce voyage à l'est : Me retrouver sur un pont enjambant le Bosphore. Pour ce projet, le Doc a été « mon préparateur » pour la mécanique. Il faisait donc partie de « mes sponsors ». Il m'a proposé un deal magnifique. Il fit aussi une exception, dans le sens où il avait décidé de ne plus faire atelier à partir de cette année là. Quelque part, je fut le dernier « client officiel» à avoir bénéficié de ses outils, de son atelier, de ses mains et de son esprit dans mon moteur.
 
En janvier 2016, la première journée de travail fut consacrée au remplacement du basculeur de suspension (voir cet article). Nous avons passé cette journée à travailler ensemble. Seul, jamais je n'aurais osé toucher à cette pièce. Forcément, des liens ont été créés. Les difficultés rencontrées, les moments d'humour, la rigolade, et le plaisir de se découvrir sans aucune tension se sont succédés. Au moment de déjeuner, il m'a emmené dans une de ces adresses secrètes autour de Bruniquel.  Je voulais l'inviter, cela a été impossible. Il m'a imposé de faire cela la prochaine fois. 
 
La première fois, j'avais installé une totale confiance en lui. La deuxième fois, j’ai installé des certitudes sur sa générosité, sa simplicité et son immense capacité de transmission. En effet, au-delà d’être le préparateur que j’évoquais plus haut, il est aussi devenu, sans que j’en fasse particulièrement une demande, mon instructeur, mon formateur. Il m’a donné son temps, sans compter. 
 
Après cette première salve de souvenirs, je reprends la route. Forcément, en venant voir Alain, je repartais, presque toujours, en direction du château de Penne par la route juste au-dessus de chez lui. Je fais donc la même chose aujourd’hui. 
 
Le château de Penne
 
La montée vers la corniche

La rivière et la vallée de l'Aveyron
 
Quand je passais dans le coin, je m'arrêtais prendre un café. Ensuite, j'allais, comme écrit plus avant, vers Penne avec pour idée de passer aussi à Brousse-les-Antibels. Ce que je fais maintenant. C'est là que se trouve le plus beau point de vue sur la corniche des gorges de l'Aveyron. 
 
J’adore m’arrêter là, dans ce petit renfoncement, juste au-dessus du précipice et en dessous des rochers en surplombs… Cela donne au paysage une certaine ambiance. La vue incite à se laisser partir quelque part. Aujourd’hui, observer le panorama me maintient dans les souvenirs avec Alain.
 
La troisième journée passée avec lui m'a permis de démonter et remonter un bon nombre d'éléments de la brêle. C'était en juin 2016. Il faisait beau et nous avons travaillé dehors sur la terrasse (voir ici). Il venait d'arrêter le tabac depuis quelques semaines. Le filtre à essence, un brin récalcitrant, fit les frais de son humeur tapageuse... 

Ce jour-là, grâce à lui, j'ai encore appris une multitude de choses sur ma moto. Le genre de choses qui fait que tu n'as plus peur de démonter. Le genre de choses qui fait que tu connais bien mieux ton engin. Le genre de choses qui fait que tu gagnes en confiance en toi. Le genre de choses qui fait que tu peux partir en voyage avec l'idée que tu seras capable de te débrouiller au cas où... 

Tout cela, c'est à Alain que je le dois. Je ne sais pas si de mon côté je lui ai apporté quelque chose. Je ne le saurais jamais maintenant. Lui, au-delà de ce que je viens d’écrire, il m’a aussi apporté une certaine philosophie, une certaine sagesse de la mécanique tout en me faisant prendre conscience de ce qu’était ma machine. 

La Corniche

Le petit renfoncement idéal à moto
 
 
Je suis revenu aux forges de Caussanus et à sa gare fin juin 2016 pour les dernières opérations avant le départ (voir cet article). 

Le premier août de cette année-là, je partais pour ce voyage de trois mois. Dans mes poches, mes valises et mes sacs, tous les moments passés avec Alain m'ont nourri dans la confiance de ce que je pouvais entreprendre sur ma machine avec les moyens du bord. Je suis parti, pour près de 15 000 kilomètres, entièrement libéré de l'angoisse de la panne. 

Alain me fit aussi connaître Mike Capon de Shock Factory (Voir ici). Alain l’a appelé devant moi ce jour-là. Mike avait demandé à Alain si j’étais un type bien… Ensuite, tout s’est enchaîné presque naturellement. J’ai expliqué le projet à Mike et celui-ci s’y est joint en me fournissant un amortisseur à installer au retour, une fois les 15 000 bornes engrangées et ajoutées à l'utilisation du Stelvio.  Il n’y a pas que moi qui avais confiance en Alain.   
 
L'esprit s'égare


 
J’arrive en bas, près de la rivière, juste à côté de Saint-Antonin-Noble-Val. C’est le moment de prendre la route du retour. Je pars vers Saint-Martin-Laguépie avant de tourner au sud et de revenir vers Vaours et  Castelnau-de-Montmirail. Un dernier coup d’œil à l’Aveyron. 
 
Mon dernier passage à l’atelier du Doc Mandello, dans le cadre de mon voyage à l’Est, a donc été pour le remplacement de l’amortisseur. Comme écrit plus haut, j’ai fait cela au retour et dans le cadre de la révision générale que j’ai réalisée. L’article qui en parle est ici. J’ai encore bénéficié de ses conseils pour changer cet organe. Au final, rien de bien méchant et d’exceptionnel comme souvent, mais une nécessité d'être guidé afin d'être rassuré. Ce qu'Alain savait particulièrement bien faire. 

Je peux écrire qu'Alain a fait de moi le mécanicien en herbe que je suis. Grâce à lui, j'ai confiance en moi. Il m'a appris à comprendre mes limites, à ne pas me laisser envahir par les doutes au démontage d'une pièce. Cet homme a fait en sorte que je puisse m'en sortir seul avec ma moto. 

Comme pour quasiment tous les sponsors que j'ai eus, j'ai découvert un homme qui est devenu au fil du temps un guide, un mentor, un copain, un ami.
 
Saint-Antonin-Noble-Val
 
La place de Castelnau-de-Montmirail
 
L'autre côté de la place de Castelnau-de-Montmirail

Une fois à Castelnau-de-Montmirail, je pars en direction de Gaillac et Toulouse pour clôturer cet hommage ou plutôt ce « pèlerinage ».

J’ai revu Alain, bien sûr, depuis ce dernier travail « en binôme », tellement nous avons bien fonctionné. Que ce soit pour récupérer des pièces que je commandais chez lui, ou pour prendre un café lors d’une balade, ou pour m’arrêter dire « Bonjour » au moment du départ d’un nouveau voyage en direction du nord-est.

Je l’avais parfois par e-mail. Un de mes derniers échanges avec lui date de la revente de son « module Mandello » à un heureux nouveau propriétaire de Stelvio du côté de Pau. Cet échange montre, s’il en est besoin, la gentillesse du « Doc Mandello ». Pour cette vente, je ne retrouvais plus la notice d’installation et de réglage. Un petit mail à Alain... Il me répondit quasiment aussitôt avec la documentation nécessaire à transmettre, et la confirmation qu’il pourrait aider ce nouveau propriétaire pour les réglages, si besoin. 

Le Tarn à Gaillac

Abbatiale Saint-Michel à Gaillac
 
Un dernier arrêt sur les berges du Tarn, devant l’abbatiale Saint-Michel à Gaillac. Oui!! C’est bien un Adieu à Alain que je fais là. J’espère ne froisser personne. J’espère ne pas raviver une douleur. 
 
Bien que je sois passé à la moto ayant les seins qui tombent, tu vas me manquer, Alain. 
 
 
Repose en paix mon pote. 
 

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