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Une triade en vadrouille ariégeoise

Dimanche 13 février 2022: c'est la veille du jour ouvrant ma cinquante huitième année. Les oracles estiment que le soleil inondera le sud-ouest… Ne serait-ce pas des conditions idéales pour une virée amicale ? A deux-roues motorisées…  
 

Une triade sera donc de sortie. Le trajet mènera à deux lacs ariégeois : le lac de Mondely et le lac de Montbel. Juste 288 petits kilomètres qui combinent les capacités intrinsèques de cette triade : La p’tite (la toujours prête), la vieille (une pas facile) et la grande sauterelle (la toute jeune et docile)…  Nous aurions été deux, j’aurais pu les nommer Thelma et Louise, ou Bonnie and Clyde… et même Tic et Tac. Sont-elles prêtes à faire les quatre cents coups ? Vont-elles transformer cette balade en braquage digne d’une chinoiserie mafieuse ? 
 
 
Itinéraire suivi: 
 
 
Forcément! Je me dois de présenter les protagonistes ou autres « Yakusa » membres à part entière de cette organisation secrète. La bienséance m’impose de commencer par la doyenne, avant de passer à la plus petite pour revenir à celle que j’entretiens telle « une danseuse » aurait-on écrit dans les temps anciens. Une certaine gêne m'envahit à l'écriture de cette expression, étant donné mon fils danseur et sa belle tout autant professionnelle (voir ici). 
 
Donc, tout d’abord, je vous présente le mythe, l’ancêtre, l'aînée... Mme Africa-Twin dite « La vieille ». Celle-ci est née en 1991. Toujours de première main. 750 cm3 mythiques et indestructibles. Une structure en acier exceptionnelle. 230 kilogrammes qui sentent bon le sable chaud. 130 000 bornes dans les rotules. Elle n’accepte plus qu’un seul type sur sa selle : « Le Marco », celui qui la bichonne depuis 31 ans maintenant. De toute façon, elle ne se laisse pas conduire par quelqu’un d’autre... Le dernier « blaireau » qui a essayé de lui voler n’a pas fait 10 mètres, avant de goûter au sol, et de s’enfuir la queue entre les jambes. C’est que « la vieille » peut être sournoise avec son guidon un brin tordu et ses entrailles usagées… A manier avec prudence et dextérité. D’ailleurs, cette petite sortie, sera sa première depuis la réfection entière et totale de son système de freinage opérée par le Marco lui-même, s’il vous plaît. 
 

Ensuite, il y a celle qui passe partout. Elle se faufile telle une musaraigne. Mme Varadero dite « La p’tite » parce qu’il s’agit bien de celle en bas de l’échelle, si on considère la cylindrée. Née en 2008. Une troisième main, dans le cas présent. 125 petits cm3. Et oui, le pilote possède un permis voiture couplé à un permis de 125 cm3. 13 500 kilomètres en équivalent « heures de vol ». Cette « p’tite » est celle qui impose le rythme de cette virée. Parce qu’il ne faudrait pas qu’elle s'enrhume en voulant suivre les « grosses ». A moins que ce ne soit son « David » qui ne se fasse un torticolis à force de baisser la tête dans le guidon lors des accélérations. Mine de rien, elle suit bien ses grandes sœurs, cette petiote. 
 

Et, enfin, la plus jeune de cette triade, Mme GS-Adventure » dite « La Grande Sauterelle ». Née en 2020 et affichant, déjà, 22 500 kilomètres (je crois qu’elle est gourmande) à son écran de frimeuse faisant office de tableau de bord. 300 kilogrammes sur la balance et un embonpoint certain avec ses 30 litres de carburant à l'avant et ses caisses en aluminium à l’arrière. Si on y ajoute son « Babaz » et ses 106 Kg, la masse déplacée marque, indéniablement, une certaine force gravitationnelle faisant rougir le sieur Newton. 
 

Les présentations étant faites, peut-on partir ? 
 
Cette triade et ceux qu’elles trimballent filent plein sud vers Marquefave et Carbonne par de toutes petites routes. Nous basculons dans l’Ariège par la pointe Nord du département, près de Lezat-sur-Lèze. La D74 longe une crête donnant de superbes points de vue. La route, étroite, passe par Bax et Castex (Prémonition ? Tout se met en place pour un délire intellectuel...à venir). Pour l'heure, le soleil se fait attendre. Le vent, par instant fort et violent, nous déportent fréquemment. Nous roulons depuis un peu plus d’une heure. Comme j’ouvre la route, je décide d’un arrêt afin de faire le point sur notre manière de rouler. 

- Est-ce que cela convient à tous ? 

La réponse unanime est claire. C'est oui! 
 
 
Tout proche de Daumazan-sur-Arize, nous arrivons sur la D628. Sa largeur et ses courbes me permettent une accélération que je calme rapidement... Un rapide coup d’œil dans mon rétroviseur,  me montre que j’ai perdu « La p’tite » et « La vieille ». David, bien sûr, ne peut pas suivre. Je les attends pour bifurquer vers le Mas-d’Azil à Sabarat. Ils comptent sur moi pour les guider... Et oui! Je suis le seul à avoir l'itinéraire. 
 
 
Avant de passer voir la curiosité locale, nous prenons un café dans le seul bar ouvert. C'est calme! une petite dizaine de clients sont installés. 

L’itinéraire passe par le haut de la grotte. On s’arrête faire quelques photos. Marco ne connaît pas l'endroit. Alors là! Impossible d'y échapper... Nous devons y passer... 

Nous faisons donc demi-tour, afin de lui faire découvrir les entrailles de la montagne, puisque la route serpente à l'intérieur et sous la roche, là où l'Arize s'écoule. Dans quelques minutes, nous sortirons par le trou béant visible sur la photo ci-dessous. 
 
 
A la sortie du Mas-d’Azil, je tourne sur la petite D49 afin de rejoindre Plagne. La faible largeur de la route et les nombreux lacets imposent une allure très réduite. Nous montons dans les contreforts pyrénéens et découvrons la petite église d’Allières et la superbe vue alentour. Sur ce versant, le soleil apparaît enfin. Il nous réchauffe. On s’arrête sur le bas-côté quitte a devoir nous pousser pour laisser passer un éventuel véhicule arrivant.  Quel bonheur ces rayons!  Nous en profitons pleinement, d’autant plus que le vent s'est aussi calmé. 

Quelle vue magnifique!! 
 
  
 
Nous rejoignons la grande D117. Dès l’entrée dans La-Bastide-de-Serou, je tourne sur une toute petite route. Bien qu'indiquée barrée un peu plus loin, j'y vais tout de même. Nous suivons, d'ailleurs, un guide improvisé. Il ouvre le chemin sur sa mob bleue (un joli souvenir de ma jeunesse haut-marnaise m'assaille!). Une centaine de mètres plus loin, l'explication se fait jour. La route s’affaisse considérablement sur une bonne moitié de sa largeur. Avec nos motos, ainsi que la mobylette de notre guide improvisé, nous passons aisément. Au terme de ce passage interdit, « la bleue » passe la barrière sans y toucher. Moi, vu ma largeur aux fesses, je dois descendre et ouvrir le passage. David , en dernier, repositionne la barrière. 
 
Nous sommes juste à la jonction de la D501 qui mène au hameau de Suzan et nous conduit directement sur les hauteurs du premier lac, celui de Mondely (voir ici). C'est une découverte pour mes deux amis. 
 
 
 
Nous atteignons Montégut-Plantaurel. Là, je retrouve mon petit chemin, qui sent la noisette, qui n'a ni queue ni tête, celui toujours sans bitume, bref la D431A (voir ici) comme l'aurait dit Mireille. Oui! J’avais envie de faire passer la triade ici, histoire de les salir un peu, ces bébêtes. Bon sang!! Ces bécanes sont des trails après-tout. 
 
Ne sachant pas si mes camarades sont à l’aise hors bitume, je roule à faible allure. Le terrain, assez gras par endroit, implique quelques « glissouilles » amusantes de l’arrière. En sortie du chemin, je m’arrête et regarde où nous sommes. J'en profite pour demander s'ils ont aimés ? 

Marco et David ont appréciés. Ils auraient même souhaités qu'on aille un peu plus vite.... 

C’est qu’il est 12h15. La réservation du restaurant est à midi-trente à Pamiers. Nous sommes juste à 5 kilomètres. David, le régional de l’étape par alliance, nous y conduit. Quinze minutes plus tard, les motos sont garées au pied de ce « Moulin » (voir « Les coins du Babaz ») de Pamiers. 


 
Le repas, excellent, nous offre un agréable moment. Un peu, je dois bien le dire, comme une navigation en père peinard, sur la grand-mare des canards... Un truc que Georges aurait surement appelé: « Les copains d'abord ». Au moment de payer, nous discutons quelques minutes avec le restaurateur. Il en a plus qu’assez des restrictions COVID en vigueur. Sa révolte se matérialise par un abandon du masque pour cette journée. Il aurait bien aimé être à Paname parmi les membres du convoi en route aujourd’hui. Celui dont tous les médias parlent… Vous savez! Tiens! Son discours me fait penser à un passage du livre que je suis en train de lire : « Le Maitre » de Patrick Rambaud… Je vous en touche deux mots ?
 
Pour poser la chose, je dévoile un brin de l’histoire de ce roman. D’ailleurs!! Je trouve qu’il s’agit davantage d’un conte philosophique totalement barré et drôle à souhait. Il est aussi, sans doute, à rapprocher de la vie imaginée du penseur taoïste Tchouang-Tseu.  
 
Le résumé officiel et babelio en disent cela : « C'était il y a vingt-cinq siècles dans le royaume de Song, entre le Fleuve Jaune et la rivière Houaï : Tchouang naquit les yeux ouverts et sans un cri. Il était froissé, édenté, chauve, puisque les nouveau-nés ressemblent aux vieillards : les hommes entrent en scène aussi démunis qu'ils en sortent…
Bienvenu dans la Chine du Ve siècle avant Jésus-Christ. Un monde poétique et violent, où « tombe » soudain cet enfant, fils du Surintendant des présents et cadeaux. Dans ce royaume gigantesque, l'or est partout, la faim aussi, les princes et les rois ont des esclaves, des éléphants, des nains, ils écoutent des poèmes, font commerce de femmes et d'épices, lisent Confucius... »
 
Et mon restaurateur dans tout ça ? 
 
 
J’y arrive. Page 34 du bouquin, on apprend que le cuisinier du roi est aussi Premier ministre… Cela est logique et dans la normalité du régime exposé. En effet, le romancier nous dit qu'au IV siècle de notre ère, le cumul de ces deux fonctions est naturel (ah, les cumulards!!), car celui qui sait équilibrer un bouillon sait, forcément, harmoniser les hommes. Il connaît la mesure, il sait adapter ses erreurs en mariant la subtilité entre couleur et consistance… D’un coup, les propos de notre restaurateur me le font voir sous un autre angle… Le souvenir du village  (Castex) traversé ce matin en frontière de Haute-Garonne et Ariège me revient à toute allure. J’ai l’image du sieur Jean, Premier ministre actuel, qui apparaît tel un instituteur des temps anciens (On se demande pourquoi...). Sait-il faire la cuisine ? Lui…
 
Après ces quelques considérations politiques et culinaires, nous repartons. Il est 14h00. Nous allons, sur la digestion, choper Carla-de-Roquefort (J'adore ce bled!) et Laroques-d’Olmes. Cette fois, plus du tout de vent et le beau soleil attendu est au rendez-vous. Est-ce la proximité de l’Aude ? 
 
 
  
 
Nous arrivons au deuxième lac prévu aujourd’hui: le lac de Montbel. Avec ce soleil et cette lumière, la palette du peintre s'expose. Le vert émeraude de l'eau conjugué au brin et blanc des sommets alentours nous offre un bel instant lumineux et paisible. C'est à ce moment de fin d'hiver que la hauteur d'eau est au plus bas. Les berges se découvrent presque totalement. 
 
Il y a deux accès possibles, le village de Montbel et celui de Léran. Nous venons des rives de ce dernier. 




Le temps de se balader un peu et de se dégourdir les jambes, 15h30 arrivent. Je pose la question à mes amis : 
- Comment voulez-vous faire pour rentrer ? 
- Par l’itinéraire que j’ai prévu et qui se poursuit via de petites routes ? 
- Il reste 120 km et nous serons à la maison vers 17h30 ou 18h00. 

Marco, un peu fatigué, en a marre de se battre avec sa vieille… Nous décidons de rentrer par un itinéraire plus direct et donc plus rapide. 
 
La monotonie de la nationale 20 est peu propice à des arrêts photos. A 16h45, nous sommes arrivés. La triade se dissout avec pour souvenirs les méfaits réalisés. 

Je vais, de ce pas, retrouver « Le Maitre » pour apprendre et m'étonner de ce que réclame « Tchouang » : la nature contre l'artifice, la lenteur contre la frénésie, le calme contre le bavardage, le geste contre la technique... Et me délecter de toute chose politique placée au Vieme siècle avant JC s'adaptant, si bien, à nos temps modernes. L'étonnement pourrait même aller jusqu'à trouver une ressemblance avec la campagne de nos roitelets... Si la précision s'avère utile, je ne parle pas du roitelet huppé de nos contrées.  
 

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1 commentaire:

  1. Merci pour cette superbe balade et cette prose qui m'a bien amusée.
    le vieux de la vielle...........à suivre

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