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Balade au goût sucré de la vie dans un léger parfum d'avenir

Aller faire un tour... Reprendre, enfin, la moto après trois semaines de stupeur, d'effroi, de repos, de doutes... Voir, à nouveau, la beauté du monde... Oui! Rejoindre l'Aveyron, ses gorges, ses châteaux en ruine, ses collines boisées, ses berges presque inondées... Et rentrer par le vignoble de Gaillac. 
 
Pont suspendu de Buzet-sur-Tarn
 
A l'aube de ma cinquante septième année, en cette moitié de Février, veille du jour international des Valentins, en route pour 300 kilomètres avec le goût sucré de la vie et ce léger parfum d'avenir. Encore un peu, s'il vous plaît...
 
Itinéraire :

 
Le jour est prévu ensoleillé, à peu près en tout cas. Contact! Je rejoins Villemur-sur-Tarn. Mais pourquoi ce titre ? Dois-je parler de cette «petite affaire» ? Ai-je besoin de l’écrire? Me répandre n’est pas non plus l’objectif... Le partager n’est peut-être pas une mauvaise idée... Si cela peut aider quelqu’un à reconnaître et, peut-être, anticiper davantage. 
 
Cette «petite affaire»  date du 26 janvier dernier. Cela fait quatre jours, en fait! La nuit est avancée. Permettez, je remonte le temps au 23 janvier dernier, donc. J’ai du mal à dormir. Une pointe de douleur près du rein droit, m'en empêche. Il se trouve aussi que j’ai mal à la jambe droite, au genou, depuis quelque temps, pourquoi y aurait-il un lien ? Ai-je le côté droit qui part en vrille ? Allongé sur le côté gauche, j’ai un peu mal. Allongé sur le côté droit, j’ai un peu mal. Allongé sur le dos, j'ai un peu mal. Le Dimanche 24, la journée passe, aucun élancement. Le soir du Dimanche, la même chose que la nuit précédente se rejoue, comme dans «un jour sans fin». Il y a un petit changement. La pointe de douleur est un peu plus forte. Elle a, aussi, un peu bougé. Maintenant, c'est plus vers les côtes, toujours à droite. Je descends au séjour vers une heure du matin. Histoire de me mettre dans mon canapé sans être allongé, réduire la souffrance et dormir un peu. Le lundi, au travail, j’ai un peu mal. Toujours cette côte, à droite. On dirait une vielle douleur qui revient. Celle due à la chute décrite dans cet article en Andalousie, à la fin de l'été, en 2014… Je décide d’avancer un rendez-vous avec mon ostéopathe. La nuit du lundi au mardi ? «Un jour sans fin»  vous dis-je… Donc c'est comme la précédente. Je descends, plus tôt, dans mon canapé afin de dormir davantage sans être allongé. Le mardi 26 janvier, au matin, arrivant au boulot, je grimpe les trois étages. A l’arrivée, dans mon bureau, je suis essoufflé comme jamais je ne l’ai été. La gêne du côté droit, qui n’existe presque pas quand je suis debout, apparaît légèrement. En fin de journée, de retour chez moi, je raconte cela à mon épouse. Elle m'envoie chez le médecin. L’essoufflement l’inquiète. Une heure plus tard, j'y suis. En y allant, un «truc» inconnu surgit, quelque chose comme des spasmes, comme une grande claque, mais à l'intérieur du corps. C'est toujours à droite et aux mêmes endroits: le rein, les côtes. Ces spasmes deviennent plus fréquents et plus douloureux. Mon médecin me diagnostique une colite néphrétique. J’ai la prescription en conséquence. Trop tard pour aller faire les examens. Le couvre-feu a commencé depuis 30 minutes… Je passe à la pharmacie récupérer les anti-douleurs et rentre chez moi. Il est 19h00 maintenant. C'est là, à cet instant, que j'arrive au bout de ma vie… Enfin, c'est ce que je crois, ce jour-là... 
 
Mais, peut-être devrais-je revenir à cette balade. Elle me donne la respiration pour poursuivre. 
 
Cela commence par les berges du Tarn, à Villemur-sur-Tarn. La voûte céleste, qui s’ouvre en allant vers un ciel à cette heure encore bien matinale, oscille entre gris et blanc cotonneux et le bleu, encore tendre, des céanothes plutôt à feuillage persistant. 
 
Villemur-sur-Tarn
 
Je me rends, encore une fois, chez Motoplus à Albi. Encore une fois, la route emprunte des détours improbables. Par exemple, maintenant, je file presque plein Nord-Est comme si j’allais à Albi... Je passe juste un peu plus haut… En direction de l’Aveyron. Pour être précis, ce sont les gorges de l’Aveyron que je vais rejoindre. J’arrive en vue de Bruniquel et de ses châteaux bâtis sur des ruines mérovingiennes. La lumière arrive doucement au-dessus de l’éperon rocheux. 
 
Bruniquel 
 
Je rejoins la route de Saint-Antonin-Noble-Val et bifurque sur la D1 aux forges de Caussanus. Je n’ai, malheureusement, pas le temps de m’arrêter chez Alain, le doc du shop Mandello. Je ne l’ai pas appelé avant, et puis, je dois arriver avant midi à Albi. Enfin ça!! Je l’espère encore à cet instant. Ma priorité n'est pas la bonne… Au fond de moi, je le sais. 
 
Je reviens à ma «petite affaire» du 26 janvier dernier. Je sortais de chez le médecin et suis arrivé chez moi. D’un coup, les spasmes sont quasi permanents. Je m’écroule au sol en hurlant. Cette souffrance m’est totalement inconnue, aussi bien dans sa forme que dans son intensité. Je modifie mon référentiel de douleur avec un nouveau seuil à 10 jamais essayé… Pourquoi ai-je pensé à cela ? Comment décrire cette affliction ? Avec le recul, j’ai l’impression qu’une bestiole est dans mon bide. Qu’elle possède de multiples petits bras. Une pieuvre ? Elle doit être sacrément moche!! Au bout de chacun de ses bras, elle (la bestiole) ferme ses poings et me bastonne, chaque organe, avec minutie et puissance… Tous en même temps. Je suis incapable de bouger. Le moindre déplacement renforce l'impression de torture. Mon épouse a les oreilles explosées… Elle me donne un des anti-douleurs que je viens de rapporter. L'avaler est quasi impossible. Quand je pense que j'étais sur la moto pour la reco de mon projet Dingo, il y a à peine trois heures... 
 
Elle appelle mon médecin. Ils décident de m’envoyer aux urgences. Faut juste que j’arrive à monter dans la voiture… L’anti-douleur commence à faire effet, à l'allure d'un escargot de Bourgogne en tête devant ses potes. J’essaye de réguler ma respiration. Je souffle fort. J'inspire lentement. C'est difficile. Je grimpe dans la bagnole. Les premières bosses, les premiers virages, m’arrachent des hurlements. 
 
Ce souvenir est trop fort. Je préfère revenir à cette balade. 
 
La D1 rejoint la D87 puis la D9. Je croise un autre château célèbre dans la région. D’autres ruines célèbres, devrai-je plutôt écrire: les ruines du château de Penne. L’imposante forteresse médiévale surplombe les gorges de l’Aveyron en contrebas. La magnifique route de la corniche n’est pas bien loin, mais ce n’est pas ma destination aujourd’hui. 
 
Chateau de Penne
 
 
Non!! Maintenant, je pars vers le plateau de Vaour et la commanderie des templiers. La D9 chemine alternativement entre plateaux, collines escarpées, forêts et plaines jusqu’à rejoindre la rivière Aveyron. C'est un peu en amont de Saint-Antonin-Noble-Val. A Lexos-le-Bas exactement. Je suis au Nord-Ouest de Cordes-sur-Ciel. A quelques kilomètres, une vingtaine, me dis-je. L’étude de la carte, au retour, m’apprend que c’est moins que cela. Une dizaine en fait. Je suis pourtant en terrain inconnu. 
 
 
 
 
Les panoramas me ravissent. J'ai le sourire. Je suis bien. Je suis heureux. Je poursuis sur la D9 en longeant les berges de la rivière. Il s’agit toujours de l’Aveyron. Son flux est énorme. L’eau, boueuse, déborde par endroits. Il règne une ambiance particulière... L'air semble lourd, pesant. 
 
Un peu comme lors de ma «petite affaire». Je reviens à ce 26 janvier. Je suis enfin monté dans la voiture... J'inspire et expire pleinement. Enfin, j'essaye. Nous arrivons aux urgences de la clinique, choisie pour sa spécialité rénale par mon médecin. Il est 19h45. L’anti-douleur semble maintenant faire pleinement son office. Je ne suis pas encore prêt pour une salsa, mais c’est mieux. Tu peux rentrer à la maison dis-je à Murielle. Je vais attendre mon tour. Ca va maintenant. 
 
La suite consiste en une attente longue puis une série d’examens qui conclue cette journée vers une heure du matin. Aucun calcul rénal. J’ai les reins en parfait état. Le diagnostic tombe avec surprise : embolie pulmonaire. Moi! A cet instant, j’ai faim… Je n’ai rien avalé depuis midi… La suite des examens ne montre aucun signe avant-coureur. Si ce n’est que mes poumons portent encore les traces du COVID accueilli en avril 2020, de manière bénigne m'étais-je dit à ce moment là (fièvre, perte d'appétit et du goût quelques jours, quelques courbatures). Traces qui ont d'ailleurs fait penser au personnel médical que j'avais encore ce virus. 
 
Quel mauvais souvenir... Cette balade m'offre une ambiance particulière. Précédemment, j'ai écrit que l'air était  «pesant». Non! Aux urgences, c'était pesant. Là, durant cette balade, c'est plutôt «envoutant»... 
 
Est-ce le flux et le bruit de l'eau qui provoque cela ? Je sentirais presque l’inondation arriver là, maintenant. Ce que je vois, ce que je ressens, me fascine. Je roule à quelques mètres du bord de l’eau, lentement. Je ne suis pas à plus de 30 km/h. Chaque virage me masque la vision de la route devant moi. Cette route, justement, est-elle encore là après ? Me dis-je. C’est assez bizarre comme sensation . J’arrive à Saint-Martin-Laguépie. 

Saint-Martin-Laguépie
 
 
 
Je quitte les rives aveyronnaises et la D9 en prenant la direction de Saint-Christophe par la D27. Le paysage change. Il est bientôt 11h30. A quelle distance suis-je d’Albi ? Je crois de moins en moins à mon arrivée avant midi… Jusqu’à rejoindre la N88, les vallons succèdent aux collines sur une belle route étroite. La forêt décharnée, les couleurs hivernales ambiancent l’atmosphère. Je tombe sur trois ânes en liberté dans un sous-bois, près d’une rivière. Je m’arrête et les observent quelques minutes. Le bruit de la moto ne les a même pas fait ciller. Ils broutent tranquillement, sereinement, sans lever la tête. Tout cela est magique. 
 

 
J’arrive chez Motoplus à 12h30. J’espérais trouver la boutique ouverte, sans trop y croire. J’avais en tête que le couvre-feu avait peut-être fait changer les règles d’ouvertures… La réponse est négative. Je n’ai pas trop envie de sortir mon réchaud sur le parking… Je pars en recherche de quelque chose m’offrant une possibilité de restauration. Par chance, une sorte d’immense boulangerie se trouve juste à côté. J’y trouve une salade et un croque monsieur. A l’extérieur, des tables et des bancs… Je m’y installe pour déjeuner.  Je suis tout seul. La boutique est pleine à craquer. Personne ne déjeune sur place. Je suis presque à la fin de mon repas, quand quelqu’un vient me dire que je n’ai pas le droit de déjeuner ici… En raison du COVID bien sûr. Ca tombe bien, j’ai fini. Intérieurement, je remercie cette personne d'avoir attendu que mon repas soit presque terminé. Pour moi, c'est ce qui s'est passé. Cela ne fait aucun doute. A 13h30 Motoplus ouvre ses portes. Comme d’habitude, je suis très bien reçu. On m’offre un café. Puis Delphine arrive et me donne ce que je suis venu chercher. Il est 14h15. Je peux repartir. Ce ne sera certainement pas en ligne droite. Non! Ce sera par le vignoble de Gaillac. 
 
 
Le soleil est maintenant bien installé. Après Gaillac je remonte vers Castelnau-de-Montmirail. Je traverse le vignoble et les petits villages tarnais. La D18 m’emmène aux portes de Rabastens. Comme à chaque fois, je succombe au charme fou de la promenade des Lices marquée à son commencement, à l’Est côté Albi, par un édifice religieux: l’église Saint-Pierre-des-Pénitents-Blancs. 
 
Eglise Saint-Pierre-des-Pénitents-Blancs.

J’arrive à Buzet-sur-Tarn. Je suis, maintenant, revenu en Haute-Garonne. Le pont suspendu, très étroit, à l’entrée m’intrigue. Il permet de franchir le Tarn. Avec la météo de cet après-midi, ce ciel bleu, ce soleil radieux, il est superbe. Je profite d’un dégagement pour m’arrêter et faire quelques photos. Il offre la vue sur les piles de l’ancien pont (effondré en 1718) et sur l’Eglise Saint-Martin. Elle est fortifiée et de style gothique Toulousain. 
 
Buzet-sur-Tarn


Eglise Saint-Martin à Buzet-sur-Tarn
 
Une fois de l'autre côté du pont, j’aperçois des bulldozers et des rues complètement défoncées. Inutile de venir flâner ici dans les semaines qui viennent...
Pour revenir chez moi, je traverse la forêt, fort agréable, de Buzet. Je viendrai par ici faire un peu de randonnée, parce que... Je reviens à ma «petite affaire». 
 
On me dit : 
          - Les douleurs intenses proviennent du passage du caillot entre les poumons et la plèvre.
          - c’est plutôt grave. 
          - Le caillot aurait pu suivre un chemin plus «fatal» et avoir la déflagration d’un «bazooka»...
  

Tss! Tss! Je vous vois entonner : 

          « - Fous ta cagoule, fous ta cagoule

             -  Du nord au sud, de l'est à l'ouest, même à Vesoul... »

 

Oui! Vous chantez à tue-tête. Oups! Je ne devrais, peut-être, pas employé ce mot... 

 

On me dit : 

             - Vous avez un traitement pour six mois. 

 

On ne veut pas me dire que cela vient de mon Covid vieux de neuf mois. Je me rappelle la douleur à la jambe droite… Que j'attribuais au genou. Et, bien qu’aucune thrombose n’ait été détectée, je me dis que le télétravail de 7h à midi et de 13h30 à 17h, finalement, peut tuer. 

 

On me dit : 

            - Tu dois, impérativement, marcher toutes les quatre heures.

            - Tu ne peux plus partir plusieurs jours dans des chemins de terre perdus, isolés, seul, avec ta moto…

 

J’ai beaucoup de mal à intégrer cela… Il semble que si je veux continuer à faire du tout-terrain sur les chemins perdus, je dois, impérativement, trouver un ou des compagnons… Sur l’instant et les quelques jours suivants, J'ai beaucoup de mal à dire : j'aurais pu mourir, crever, décéder, arrêter de vivre, calancher, claquer, disparaître, trépasser, caner ou m'éteindre complètement... 

Donc, après ces presque quatre semaines de stupeur, d'effroi, de repos, de doutes, je retrouve ma moto. Ce fameux goût sucré de la vie m’accompagne. Je suis encore vivant. Je peux maintenant dire que j’ai failli mourir. Les priorités s’imposent à moi, naturellement. Indéniablement, quelque chose de profond a changé chez moi. J’ai bien envie de sentir ce parfum d’avenir pour quelque temps encore. 
 
 

 
Oui!! Sentir le goût sucré de la vie dans ce léger parfum d'avenir... 
 

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