5ième semaine de confinement saison deux... J'ai une impression, intense, d'être proche de la dépression. J'ai besoin de bouger, rouler, voir loin, voir clair, respirer. J'en ai assez de ces «Teams, Zoom» et autres «FaceTime» pour parler à des gens, flous la plupart du temps, et dont la voix est fréquemment hachée.
Sortir, les jours de semaine, pour courir dans la nuit de plus en plus noire plus on avance dans l'automne et, marcher autour de la maison, en fin de journée à la nuit arrivant de plus en tôt en décembre, ne me suffit pas.
Il faut dire que je passe mes journées de semaine en télétravail. De 7h30 à 17h, j'ai bien une bambouseraie devant les yeux.
Comment dire ? Je manque de recul et de perspective entre mes écrans, le mur du garage et les bambous... J’ai lu récemment que « le bambou enseigne le détour »...
J'ai beau lire les week-ends et en soirée, la puissance éclairée des mots de Muriel Barbery et de sa « Rose seule » est également insuffisante.
Je sais bien qu'il y a pire comme conditions de confinement. Toujours est-il que rester au même endroit pour travailler et vivre ne me convient pas. Mais alors, pas du tout! C'est assez curieux si j'y réfléchis. Je suis plutôt un garçon peu expansif, aimant la solitude, peut-être même taiseux... Un vrai bonheur, en somme. Comment se fait-il que cette absence de lien social me coûte tant ? Peut-être qu'il ne s'agit pas de cela... Peut-être que c'est juste rouler qui me manque... Le bambou enseigne le détour...
Mon épouse sent la brise de la fracture possible, de «l'effraction psychique» comme le dirait Cynthia Fleury. Du coup, elle m'envoie tous les samedis matin en course... Et, bien sûr, elle m'oblige à prendre ma moto.
Par exemple, samedi 14 novembre, elle m'envoie à Cadours, au marché, pour récupérer quelques tresses d'ail violet. Pour m'y rendre et revenir, je prépare un trajet, sanctuarisé, exempt de contact humains sauf à la récupération des tresses. A ce moment là, bien sûr, je troque mon casque contre le masque chirurgical.
Je crois qu'on peut, aisément, le qualifier de «bon petit» ce trajet... Mon attestation en poche, je pars, respirer deux heures de temps.
Itinéraire :
Samedi 21 novembre: cette fois, mon épouse m'envoie à Muret, dans un laboratoire. Elle y trouve des gélules africaines disponibles uniquement à cet endroit. Je l'aime, alors je lui rends ce service. Pour se faire, je dois, encore, suivre un itinéraire sanctuarisé, exempt de risque COVID sous mon casque. Une nouvelle attestation en poche, je file, plein Est alors que Muret est plein Sud, dès potron-minet, donc assez tard dans cette fin d'automne.
Itinéraire :
Bien que Muret soit, en temps optimisé, à moins de 30 minutes, il me faut 1h15 pour y arriver. Kurviger m'aide à trouver le bon circuit. Je le maîtrise maintenant. A chaque fois, il me fait découvrir de superbes petites routes dans une campagne bucolique à souhait, si proches de chez moi. Ce temps de respiration est incroyablement bénéfique. Les 3 petits degrés matinaux de ce samedi 21 novembre, du côté de Lanta, offrent ce genre de vision.
La route dans les coteaux du Lauragais, inconnue jusqu’alors, me permet de rejoindre Auterive, puis Lagardelle-sur-Lèze avant ma destination de Muret et de son laboratoire ciblé.
Bref!! Une nouvelle respiration de deux heures trente cette fois. Elle représente environ 110 kilomètres de bonheur et de médicament contre la dépression sous-jacente.
Samedi 28 Novembre : jour de réouverture des commerces et de maintien du confinement pour moi, en tant que télé-travailleur. C'est aussi le jour où je pars à moto pour une boucle de quatre heures. Je bénis le choix d'avoir acheté ma moto à Albi plutôt qu'à Toulouse.
Itinéraire:
En effet, j'ai rendez-vous à la concession MOTOPLUS81 aujourd'hui. Tantôt, vers 13h15, je mets le contact. L'attestation est dans le smartphone. Le SMS de la concession stipulant mon rendez-vous est bien visible également. Direction Belcastel et son église fortifiée dans un premier temps. Car, évidemment, je ne fais pas l'aller-retour vers Albi en ligne droite. Les mots de Muriel Barbery résonnent parfaitement: comme le samouraï, je sais bien que les lignes droites sont fatales...
Chapelle St Martin de Teulat |
Le soleil, cet après-midi du 28 novembre, est au rendez-vous. La lumière, magnifique, éclaire le ciel, marque les ombres, ouvre les interstices du bonheur. Elle fait ressortir les nuances de verts, d’ocres, de jaunes, de marrons, de gris, de bleus... Bref, j'en prends plein les yeux. De quoi me requinquer pour la semaine à venir.
Je bouge. Je roule. Je vois loin. Je vois clair. Je respire... C'est encore mieux que mes escapades des week-ends précédents.
A 15h30, j'arrive à la concession. Que de monde!! Je fais ce que je suis venu faire. Je rencontre des personnes soit venues rêvées, soit venus achetées, qui un 1250 GS, qui un 1250 RT, qui autre chose... Chacun a envie de discuter. Le parking semble le lieu le plus adéquat à la majorité. En effet, à l'extérieur, ce satané masque disparaît le temps de la mise à distance compatible avec ces fameux gestes barrière. On sent que renouer le contact est important pour chacun de nous. Le coup de feu passé, Arthur (le responsable de l'atelier) et Yann (le commercial) me rejoignent sur le parking. Nous échangeons quelques mots. L'ambiance est chaleureuse. Parler a des individus de chair et d'os fait, indéniablement, du bien...
Je ne peux repartir d'ici sans passer par le pont offrant la plus belle vue de la cathédrale Ste Cécile.
Albi - Cathédrale Ste Cécile, palais de la Berbie, Pont vieux depuis le pont du 22/08/44 |
Le retour ne m'offre aucun panorama exceptionnel. Non! Il m'offre cette sensation de continuer à retrouver mon espace de liberté dans une campagne époustouflante. Epoustouflante ? Car l'horizon est ouvert et le soleil sérotinal m'éblouit. C'est magique. Si je regardais mon visage dans le rétroviseur, j’y verrais à cet instant, sous la couverture de mon heaume de polycarbonate, sans doute la déflagration de l’émotion ressentie.
Après ces 220 km, je suis prêt pour une nouvelle semaine face à mes bambous.
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